“Quand je veux avoir un rapport sexuel, ça ne rentre pas. La pénétration est impossible, mon vagin est verrouillé, bloqué… Je n’arrive même pas à introduire un tampon. C’est comme si je ne trouvais pas l’entrée de mon vagin.”
Lorsque toute pénétration est impossible, on appelle ça le vaginisme.
Lauriane a 23 ans et en a longtemps souffert. Elle a créé le compte Instagram Vagiquoi en juillet 2021 pour que les douleurs intimes ne soient plus des tabous et pour aider les personnes qui souffrent à ne pas se sentir seules. Elle en profite aussi pour informer sur la sexualité et de la santé féminine dans sa globalité.
Elle a rédigé pour toi une série d’articles pour tout t’expliquer sur les douleurs, et notamment ici le vaginisme.
Lauriane est une patiente informée et engagée, mais n’est pas professionnelle de santé. Elle informe sur la base de son expérience et ses recherches mais ne pose pas de diagnostics.
Le vaginisme, c’est quoi ?
Le vaginisme est un trouble sexuel qui consiste en une contraction involontaire et réflexe du périnée, qui a pour effet de compliquer, voire empêcher totalement, certaines ou toutes les pénétrations vaginales.
Le rôle du périnée
C’est un ensemble de muscles, ligaments et fascias. Il s’agit de toute une zone, qui s’étend du pubis au coccyx. On peut l’illustrer comme un petit hamac sur lequel reposent les organes (la vessie, l’utérus et le rectum). Le périnée entoure l’orifice vaginal. La contraction réflexe du périnée a alors un impact sur le tonus et l’ouverture du vagin, pouvant conduire jusqu’à une impossibilité totale de pénétration.
Il est alors important de savoir que le mécanisme ne se résume pas à «la contraction des muscles du vagin », comme on peut souvent le lire, mais qu’il s’agit bien de la contraction du périnée.
La contraction involontaire et réflexe
La personne concernée n’a pas de contrôle sur ce mécanisme, et c’est important de le comprendre.
Pour illustrer ce phénomène, on donne parfois l’image de l’œil qui se ferme automatiquement quand un corps étranger s’en approche. Le vaginisme, c’est pareil : le périnée se contracte à l’approche d’une pénétration, c’est un mécanisme de protection.
Si je souffre de vaginisme, je ressens quoi ?
Un blocage à la pénétration
Les personnes touchées par un vaginisme décrivent souvent une sensation de blocage, que l’objet pénétrant ne peut pas progresser dans la pénétration, ou ne peut pas rentrer du tout. Elles parlent souvent de l’image d’un mur, ou encore de l’impression d’avoir un vagin trop serré quand elles veulent essayer une pénétration vaginale.
Le vaginisme en lui-même n’est pas nécessairement douloureux, on rapporte avant tout cette sensation de blocage.
Cependant, très souvent les plaintes sont aussi orientées vers des douleurs lors de la tentative de pénétration. En effet, si on souffre de vaginisme mais qu’on force tout de même la pénétration, cela peut entraîner des douleurs. C’est alors le fait de forcer malgré la contraction qui fait mal, pas tellement le vaginisme en lui-même.
Vaginisme total ou partiel
Un vaginisme peut impliquer que la pénétration est totalement impossible, rien ne rentre, même pas un peu (vaginisme total).
Dans d’autres cas, un début de pénétration peut être possible, parfois il s’agit de quelques millimètres-centimètres, souvent associé à de fortes douleurs. Il se peut aussi que la pénétration devienne possible en se laissant du temps, on a la sensation que ça bloque au départ, puis peu à peu ça se détend (vaginisme partiel).
Vaginisme global ou situationnel
Le vaginisme peut se manifester lors de toutes les tentatives de pénétration, quelle qu’elle soit, par exemple l’intromission d’un tampon ou d’une cup, de doigts (les siens ou ceux d’autrui), du speculum lors d’un examen gynécologique, de sextoys pénétratifs, etc… On le qualifie alors de vaginisme global.
À l’inverse, il est également possible qu’il ne se manifeste que lors de certaines tentatives de pénétration, par exemple la personne peut mettre un tampon sans soucis, mais le corps se bloque lors d’un examen gynécologique, ou lors d’un rapport sexuel, ou encore avec certain.es partenaires seulement. On est alors face à un vaginisme situationnel.
À noter que les distinctions entre “global” et “situationnel” et “total” et “partiel” ne sont pas abordées exactement de la même manière par les différents professionnels… Je pense que le principal est de retenir que plusieurs manifestations d’un vaginisme sont possibles, sans que l’une soit plus légitime qu’une autre.
Vaginisme primaire ou secondaire
Il est également important de préciser que tu peux découvrir un vaginisme au début de ta vie sexuelle, ou lors des premières tentatives pour mettre un tampon, etc. (on appelle alors cela un vaginisme primaire), mais aussi après une période de vie sans difficultés (on parle alors de vaginisme secondaire).
Pas un vaginisme mais des vaginismes
On comprend donc bien qu’il y a plusieurs manifestations possibles du vaginisme et qu’ils sont loin de tous se ressembler !
J’aime d’ailleurs beaucoup l’approche de Margot Maurel et Angéla Bonnaud, développée dans leur livre “Vaginismes – comprendre, se soigner, s’épanouir”, consistant à dire qu’on devrait parler du phénomène au pluriel et non au singulier, car il n’y a pas qu’un seul vaginisme.
Le vaginisme, ça peut être dû à quoi ? Pourquoi le corps refuse-t-il la pénétration ?
Le vaginisme est un mécanisme de défense du corps. Ce dernier peut s’installer pour différentes raisons, j’en citerai quelques-unes, mais il faut bien garder à l’esprit que chaque vaginisme est différent. De plus, il est également possible que le vaginisme soit multifactoriel.
Un vaginisme a très souvent une source psychologique. Toutefois, cela ne signifie pas que c’est dans la tête des personnes concernées, ni qu’elles inventent ces sensations ou que c’est une pure excuse. Les sensations qu’elles éprouvent sont bien réelles.
On peut tout d’abord citer les problématiques telles que des infections, le post-partum, une endométriose, une vulvodynie, des dyspareunies, etc… En clair, une raison dite physique vient faire mal lors des rapports sexuels, ou lors des pénétrations, ce qui incite le corps à se protéger. Il est donc important de comprendre que cela part d’une douleur physique, mais que le mécanisme de protection qui se met en place est psychologique.
Ensuite, on peut mentionner une éducation sexuelle taboue, stricte, ou inexistante, un dégoût ou une méconnaissance de son anatomie, des idées négatives sur la sexualité ou la pénétration, des traumatismes ou des événements marquants (sexuels ou non !), etc…
Comment mettre des mots sur ce que tu ressens comme blocage à la pénétration ?
Il faut consulter un.e gynécologue ou sage-femme.
De préférence, choisis un professionnel spécialisé et formé dans les annuaires dédiés. En effet, tous les professionnels ne sont pas sensibilisés ni formés à ce sujet, ce qui entraîne le risque qu’ils ne te prennent pas au sérieux, ne te donnent pas de solution ou que te subisses un suivi ou des conseils inadaptés.
Il est important de préciser que le professionnel de santé n’a en aucun cas le droit de t’imposer un examen gynécologique. Il doit prendre le temps de discuter avec toi, et s’il estime qu’un examen physique est nécessaire afin de poser le diagnostic, rien ne peut être effectué sans ton consentement.
En général, ils peuvent assez vite comprendre s’il y a un vaginisme. Si cela bloque, ils n’ont pas à t’imposer ou forcer l’intromission du speculum (ou de quoi que ce soit d’autre).
Le professionnel de santé pourra te confirmer s’il s’agit d’un vaginisme ou s’il s’agit plutôt d’autre chose. Il doit en particulier vérifier qu’il n’y ait pas de particularité ou malformation anatomique ou de raison physique pouvant expliquer ce blocage (c’est relativement rare).
Si tu souffres de vaginisme, quelles sont les solutions ?
La rééducation du périnée
En premier lieu, je te conseille une rééducation périnéale avec un.e kiné ou sage-femme. Par ce biais, on pourra mieux t’expliquer le mécanisme en question, ton anatomie et ton périnée.
En second lieu, un travail de détente et de mobilité du périnée sera effectué afin de favoriser un relâchement. Cela te fera prendre conscience de l’état de crispation du périnée et comment le relâcher. Les professionnels peuvent utiliser plusieurs méthodes, comme la visualisation, des étirements, des massages sur les zones éloignées (fessiers par exemple) puis sur le périnée, l’utilisation de dilatateurs vaginaux,…
Tu as la possibilité de consulter un.e ostéopathe spécialisé.e. L’ostéopathie a en effet aussi un réel apport en cas de vaginisme.
Tu peux pratiquer des étirements réguliers. Ils permettent de relâcher les tensions autour du périnée et du périnée directement ainsi que d’assouplir ce dernier.
L’utilisation de dilatateurs vaginaux
Les dilatateurs vaginaux sont des objets de forme “conique”, de tailles progressives. Ils permettent de réhabituer le corps à une pénétration en douceur, et jamais dans la douleur. Cela renvoie petit à petit l’information au cerveau que la pénétration ne représente pas nécessairement un danger. Cela assouplit également progressivement les tissus.
Bien souvent, les dilatateurs sont présentés comme la solution principale en cas de vaginisme. Parfois, on a pas envie de les utiliser, on s’y sent pas prête, et c’est totalement ok. Cela ne signifie pas que c’est la seule solution et que tu ne pourras pas aller mieux si tu n’en utilises pas, ou pas tout de suite.
La détente et la relaxation via la respiration
On sous-estime souvent l’importance de la respiration dans ce type de blocage. N’hésite pas à expérimenter des exercices de respiration (respiration ventrale, cohérence cardiaque).
Dans le quotidien, nous pratiquons une respiration peu profonde. En adoptant une respiration ventrale, nous favorisons une respiration profonde, qui augmente la détente, l’oxygénation des cellules, et apaise les tensions.
De son côté, la cohérence cardiaque a un impact sur la détente, la gestion des émotions, apaise l’anxiété, et bien d’autres encore.
Consulter un.e sexologue
Vous pouvez consulter un.e sexologue. Il ou elle peut vous aider à soulager l’origine du vaginisme, identifier vos fausses croyances sur le corps et la sexualité, apaiser les souffrances engendrées par le vaginisme, proposer des séances en couple, etc…
Veillez à faire attention aux formations des personnes que vous consultez. La profession de sexologue n’est pas bien réglementée partout, notamment en France. Certains ne sont alors pas bien formés et cela peut conduire à des prises en charge inadaptées.
Faire des séances d’hypnose, EMDR ou EFT
L’hypnose permet de travailler avec l’inconscient. Comme toujours, la méthode peut ne pas convenir à tout le monde, c’est à toi de voir ce qui te parle, ce qui t’aide.
L’EMDR (“Eye Movement Desensitization and Reprocessing”) est une méthode qui agit sur les traumatismes, que l’on recommande notamment en cas de stress post-traumatique.
Selon certains retours, cette méthode peut être violente pour certaines personnes, veille à bien discuter avec un professionnel de santé avant de te lancer.
L’EFT (“Emotional Freedom Technique”) est une méthode qui consiste à tapoter sur certains points précis afin d’apaiser certaines émotions.
Autres médecines douces
Cette liste n’est pas exhaustive. Plusieurs médecines alternatives/douces peuvent encore apporter leur aide, je pense par exemple à la sophrologie.
Il est bien de préciser qu’on recommande une approche pluridisciplinaire, pour s’occuper autant de l’aspect physique du vaginisme, que de l’aspect psychologique.
Attention aux méthodes miracles !
Je sais que le vaginisme peut parfois amener une grande détresse, en particulier si on ne trouve pas de professionnel capable de nous dire ce qu’on a et comment aller mieux, ou encore si le ou la partenaire n’est pas compréhensif.ve.
Cependant, je t’invite sérieusement à faire attention aux “méthodes miracles” qui sont des approches que je ne recommande pas du tout.
Certains “programmes pour guérir du vaginisme” sont proposés par des personnes non formées, d’autres sont des méthodes vers lesquelles on se tourne par défaut mais qui en général ne sont pas adaptées.
Je pense notamment à l’hyménotomie (opération visant à inciser ou exciser l’hymen), vers laquelle certaines femmes souffrant de vaginisme se tournent parfois, car elles pensent que le problème vient de là. Il est très rare que le vaginisme soit causé par l’hymen, et avant de subir une telle intervention, il est important de consulter un professionnel de santé spécialisé.
De plus, pour poser le diagnostic de vaginisme, le professionnel de santé aura dû exclure une anomalie ou particularité physique au niveau de l’hymen. Il faut donc avoir conscience qu’une telle intervention si elle est injustifiée, en plus de n’avoir aucun impact sur le vaginisme, peut parfois même le renforcer…
Mon avis négatif sur les injections de Botox
On conseille parfois le Botox. Je passe rapidement sur cette “solution” pour ne pas la passer sous silence, mais je souligne bien le fait que personnellement, ce n’est pas une approche que je recommande, et ce pour plusieurs raisons.
En particulier car il ne faut pas oublier que le vaginisme a souvent une composante psychologique et que tant qu’on ne s’y intéresse pas, il est très probable que le vaginisme persiste, avec ou sans injections.
De plus, après ces injections, on recommande une vie sexuelle (pénétrative) régulière pour pérenniser les résultats. Je ne trouve pas idéal d’avoir une éventuelle pression à avoir des rapports. À mon sens, cela va même plutôt à l’encontre du processus de se réapproprier sa sexualité, de s’écouter, de poser ses limites, un processus souvent nécessaire en cas de vaginisme. Sans oublier que ces injections représentent une approche invasive et nécessitent souvent un certain investissement financier…
Sois patient.e et crois en ta capacité à aller mieux
Pour finir, je souligne que le mot d’ordre est la patience.
Aller mieux ne prend pas le même temps chez tout le monde, mais le vaginisme se prend très bien en charge.
Je sais que quand on en souffre, on ne croit pas vraiment à ces mots, on a l’impression que ça peut fonctionner pour d’autres mais pas pour nous. Tu peux aller mieux. Tu vas aller mieux.
Lauriane